En premier lieu, les médias permettent aux citoyens de se forger une opinion sur le niveau des inégalités et la manière dont le système fiscal les corrige. Ces informations peuvent modifier les positions des électeurs. Ainsi, une étude montre que le nombre de personnes interrogées favorables à une augmentation des droits de successions aux Etats-Unis doublait lorsqu’elles disposaient d’informations précises sur la proportion des héritages qui sont effectivement taxés (« How Elastic Are Preferences for Redistribution ? », Ilyana Kuziemko, Michael Norton, Emmanuel Saez et Stefanie Stantcheva, American Economic Review n° 105/4, 2015). On peut donc supposer qu’il existe un lien entre le degré de liberté des médias, notamment à l’égard du pouvoir économique, et le niveau des inégalités dans un pays. C’est effectivement ce qu’a constaté l’analyse des données de 102 pays (dont la France) entre 1994 et 2003 : les inégalités sont d’autant plus fortes que la liberté de la presse (mesurée notamment par l’indice calculé par Reporters sans frontières) était fragile (« Inequality and Media Capture », Maria Petrova, Journal of Public Economics n° 92/1-2, 2008).
En France, 80 % des médias sont contrôlés par des entreprises
Mais ce n’est pas tout. On peut supposer qu’une presse dépendant du pouvoir économique sera moins prompte à dénoncer les stratégies d’évasion fiscale des entreprises, réduisant ainsi la pression politique et sociale pour lutter contre ces stratégies. C’est ce que rapporte une étude sur les données d’entreprises de 32 pays (dont la France) entre 1995 et 2007 (« Cross-Country Evidence on the Role of Independent Media in Constraining Corporate Tax Aggressiveness », Kiridaran Kanagaretnam, Jimmy Lee, Chee Yeow Lim et Gerald J. Lobo, Journal of Business Ethics n° 150/3, 2018) : l’évasion fiscale est d’autant plus importante que la propriété des médias est concentrée entre un petit nombre de propriétaires – ce qui est le cas en France.